Un module de Marianne König
Je suis Marianne König, responsable à EUMETSAT de la coordination scientifique des produits météorologiques tirés des données des satellites Météosat Seconde Génération, plus connus par leurs initiales MSG. Ma formation de base est la physique atmosphérique et je me consacre à la météorologie satellitaire depuis 28 ans – d’abord à l’Agence spatiale européenne, sur la série de programmes européens Météosat et depuis 1995 à EUMESAT sur la série de satellites MSG et leurs produits. Ma spécialité est l’application des données satellitaires à la prévision immédiate. En plus de mes responsabilités actuelles, je contribue aux activités de formation d’EUMETSAT, ce qui m’aide à comprendre les besoins et les préoccupations des prévisionnistes et des autres utilisateurs.
Les observations des satellites météorologiques actuels génèrent d’énormes quantités de données. Par un traitement approprié, on en extrait des informations qui sont utilisées pour chiffrer des propriétés physiques. Ces informations sont appelées « produits météorologiques dérivés » ou plus simplement « produits ».
Les produits fournissent des descriptions détaillées de diverses caractéristiques de l’atmosphère, des océans et des terres émergées. Voici, par exemple, des représentations de cendres volcaniques et de gaz à l’état de traces, d’un orage, des températures de la surface du sol et de la mer, de poussières, ainsi que d’éléments permettant de détecter les incendies de forêt et la fumée.
Les produits météorologiques offrent beaucoup d'avantages :
Chaque produit est axé sur un paramètre spécifique qui intéresse un milieu particulier d'utilisateurs - par exemple, le produit de détection des incendies de forêt est destiné aux responsables de la lutte contre ce fléau.
Les produits relativement « simples », mettant en évidence des propriétés très spécifiques, sont destinés à une interprétation visuelle. Ce produit rouge-vert-bleu « Cendres » montre la situation sur la Mer Rouge, quelques heures après l'éruption du volcan Jebel al-Taïr, le 30 septembre 2007.
Des produits plus avancés permettent de chiffrer des propriétés physiques et de disposer de paramètres dont les valeurs sont chiffrées. Ainsi, ce produit SO2 a été extrait le matin suivant l'éruption du volcan, quand le nuage de SO2 avait déjà dérivé vers l'ouest. La teneur en SO2 est affichée en unités Dobson - souvent utilisées pour indiquer la teneur atmosphérique en gaz mineurs.
Des produits « de pointe » - tels que cette présentation tridimensionnelle des températures extraites des données de l'instrument IASI (interféromètre de sondage atmosphérique dans l'infrarouge) du satellite en orbite polaire Métop - tirent parti des très abondantes données fournies dans les milliers de canaux des instruments satellitaires de sondage hyperspectral. Essayez d'imaginez la tâche consistant à inspecter et interpréter l'une après l'autre les images prises dans chaque canal !
L'élaboration des produits peut être un processus automatisé et objectif, ne dépendant pas des connaissances ou des compétences d'un utilisateur particulier. Cet organigramme montre un processus général d'élaboration de produit.
Les produits sont souvent assortis d'indices de qualité, d'indicateurs d'erreur ou d'estimations d'erreur - utiles pour la prévision de situations complexes, mais cruciaux pour l'assimilation des données dans les modèles de prévision numérique.
Dans ce produit « vents », tiré de données satellitaires, la couleur des vecteurs « vent » indique leur qualité - en allant du jaune, pour une haute qualité, au rouge, pour une qualité médiocre. Si vous comparez des vecteurs rouges voisins, vous remarquez de grandes différences de vitesse (indiquée par le nombre de barbules) et d'orientation du vent.
Les produits ont également des limitations. Par exemple, leur extraction automatisée est fondée sur des hypothèses de base, qui peuvent ne pas s'appliquer à certaines situations.
Par exemple, nous supposons normalement que les tâches sombres apparaissant sur des images prises dans le visible, comme celles que nous voyons ici sur le Sahara, sont liées à des caractéristiques de surface, telles que la végétation ou les voies d'eau. Mais ces deux éléments sont très peu probables dans le Sahara !
En réalité, nous voyons l'ombre de la lune, lors de l'éclipse solaire du 3 octobre 2005. L'animation montre l'ombre se déplaçant d'ouest en est.
Les produits sont améliorés en permanence. Les informaticiens y mettent en œuvre des techniques mathématiques et des méthodes de calcul plus avancées ; et les scientifiques y incorporent une connaissance plus approfondie des processus physiques concernés.
Le présent module donne une vue d'ensemble de la transformation des données satellitaires en produits, comprennent :
des produits-images simples - utilisant la soustraction de canaux, la composition rouge-vert-bleu, ainsi que d'autres techniques, pour mettre en évidence des propriétés spécifiques ;
des produits quantitatifs - utilisant des entrées et des moyens variés pour élaborer un paramètre unique pouvant prendre des valeurs prédéterminées ;
des produits plus avancés - utilisant les données de milliers de canaux d'instruments hyperspectraux pour calculer divers paramètres.
Nous allons d'abord examiner comment sont élaborés les produits simples. Nous passerons ensuite à l'extraction des produits dérivés ou quantitatifs, en prenant l'exemple du masque de nuages de Météosat. Le masque de nuages indique si le ciel correspondant à chaque élément d'une image satellitaire est nuageux ou dégagé.
Cette connaissance de l'état du ciel est essentielle pour déterminer les propriétés correspondant à ce point ; par exemple, le type de nuages s'il est couvert ; ou le type de surface s'il est dégagé.
Ces produits « Température de la surface de la mer » montrent l'effet d'une délimitation correcte de la couverture nuageuse. Le premier produit utilise un masque de nuages correct ; il donne donc une image réaliste, avec des nuages indiqués en niveaux de gris. Le deuxième produit a été extrait sans utiliser un masque de nuages calculé à l'avance. Nous y voyons, au-dessus de l'Atlantique tropical, des températures de la surface de la mer d'environ 20° Celsius, qui ne représentent probablement pas les températures effectives, et des températures inférieures à - 20° Celsius, qui sont simplement impossibles !
Nous examinerons aussi les sources des erreurs entachant le produit final - résultant d'une précision insuffisante des données satellitaires ou du processus d'extraction. Certaines de ces erreurs sont spécifiques à un produit, tandis que d'autres sont communes à toutes les méthodes d'extraction.
L'utilisateur du présent module est supposé savoir comment les interactions fondamentales entre les rayonnements et la matière sont utilisées par les instruments des satellites pour détecter divers éléments du système Terre-atmosphère et leurs propriétés. Ces connaissances sont essentielles pour comprendre les signatures spectrales des différents éléments observés, comment elles déterminent le choix des canaux et enfin comment ces canaux sont choisis en vue de l'extraction de produits météorologiques spécifiques.
L'extraction de beaucoup des produits « simples » utilisés par les prévisionnistes - comme ce produit « Masses d'air » - est relativement simple et aisée. Ces produits sont élaborés directement à partir des donnée-images initiales, en utilisant des techniques élémentaires de manipulation d'images, telles que la soustraction de canaux ou la composition des couleurs rouge, vert, bleu - qui peuvent être mises en œuvre par des logiciels courants de traitement d'images ou de photographies. Ces produits « simples », qui mettent en évidence des propriétés spécifiques, sont destinés à une interprétation visuelle.
Prenons un exemple. Sur cette image prise dans le visible à 0,8 micromètre, il est facile de distinguer visuellement les terres émergées, la mer et les nuages.
Pourtant, si nous voulons étudier plus en détail la surface du sol, cette seule image ne fournir qu’une information limitée.
Il vaut mieux la combiner avec une autre image prise également dans le visible, mais à une longueur d’onde différente, par exemple 0,6 micromètre.
Si nous soustrayons les niveaux de gris correspondant, sur chacune des deux images, à la quantité de lumière solaire réfléchie, nous obtenons un produit simple « Végétation ».
Les zones couvertes d’une végétation verte se détachent en blanc ou en gris clair.
Cette image obtenue par différence montre de nombreux éléments de la surface du sol, mais pour ce qui est des nuages, elle ne nous renseigne pas beaucoup plus que l’examen d’images individuelles. En effet, les réflectances des nuages, sur des images prises dans deux canaux du visible, ne présentent qu’une faible différence.
Sur les images prises dans le visible, les nuages ont des caractéristiques de réflexion relativement brillantes (première image), alors que ce sont des objets grisâtres, plus sombres, sur l’image différence (deuxième image).
Pour une obtenir meilleure analyse qualitative des nuages, on introduit un canal dans l’infrarouge proche, à 1,6 micromètre, et on soustrait l’image prise dans ce canal de celle prise dans le visible à 0,6 micromètre.
Le produit simple « Phase des nuages » obtenu, montre des différences de réflectance au sommet des nuages, liées à leur phase. Nous pouvons distinguer les sommets de nuages en phase glace (gris foncé à noir), de ceux de nuages en phase eau (gris clair).
Si nous combinons les images prises dans les trois canaux (deux dans le visible et un dans l’infrarouge proche) en une image composite RVB, nous obtenons un produit combiné simple « Végétation et phase des nuages ». En affectant à chaque canal une couleur (respectivement, rouge, vert et bleu) nous obtenons un produit d’aspect presque réaliste – où le vert indique la végétation, les bruns et les rouges d’autres types de surface des terres, tandis que la surface de la mer est noire et les nuages sont blancs. Seul le rendu les nuages de glace, de couleur cyan, est irréaliste.
Si nous étendons le spectre des canaux utilisés pour extraire des produits de base, à l’infrarouge de grande longueur d’onde, où l’on peut mesurer différentes propriétés thermiques, nous sommes capables de détecter des caractéristiques telles que :
les structures de surface de déserts. – Ainsi, cette image prise dans un seul canal de la fenêtre infrarouge montre le Sahara du Nord comme une surface chaude uniforme,
alors que l’image obtenue par soustraction d’images prises dans deux canaux de l’infrarouge (10,8 et 8,7 micromètres) montre des structures de surface plus détaillées, car le canal à 8,7 micromètres est sensible aux différents types de sol ;
Sur le produit RVB « Poussière » de la page prédente, nous pouvons distinguer visuellement les zones couvertes d’une couche épaisse de poussière, de celles qui sont moins couvertes. Mais il est impossible de déterminer la charge exacte de poussière, en kilogrammes par mètre carré. Pour cela, il nous faut un produit dérivé, donnant la valeur chiffrée d’une propriété physique, en fournissant un paramètre pouvant prendre des valeurs prédéterminées.
Les produits dérivés nécessitent des méthodes d’extraction plus avancées, permettant d’exploiter différentes sources de données. Ils utilisent souvent d’autres sources que les satellites météorologiques – comme des modèles de prévision numérique, des modèles physiques tels que les modèles de transfert radiatif, des observations locales, ainsi que des ensembles de données climatologiques.
L’exploitation de ces entrées nécessite des méthodes et des moyens d’extraction plus évolués – tels que les techniques de seuillage, les arbres de décision, les algorithmes statistiques et les modèles physiques.
Dans la section suivante, nous examinerons un exemple de produit quantitatif, à la savoir la mise en œuvre opérationnelle du produit « Masque de nuages » de Météosat, qui est similaire aux masques de nuages des imageurs d’autres satellites.
En parcourant les étapes du processus d’extraction, vous comprendrez les stratégies générales qui peuvent être utilisées pour l’extraction de produits. Vous comprendrez aussi l’importance des données-images sous-jacentes et des autres données annexes. Mais n’oubliez pas que chaque produit met en œuvre un processus spécifique d’extraction complet, utilisant un ensemble spécifique de données d’entrée, de moyens de traitement et d’hypothèses de base. La description détaillée du produit « Masque de nuages » nous guidera dans une série d’exemples illustrant les principes généraux de l’extraction de produits à partir des observations satellitaires et les aspects à considérer en la matière.
Une des premières étapes de l’extraction de beaucoup de produits météorologiques est l’application d’un « masque de nuages », indiquant pour chaque élément de l’image, s’il est nuageux ou dégagé. Une bonne détection des nuages est extrêmement importante, car ceux-ci masquent la surface dans tous les canaux solaires et thermiques du spectre.
Nous le voyons sur ce premier exemple. Les nuages masquent largement les Alpes, rendant difficile la distinction entre le manteau nival et la couverture nuageuse.
Sur cette deuxième image, les mêmes montagnes apparaissent relativement dégagées, mais il reste difficile de déterminer si les zones presque brillantes sont des nuages ou de la neige. Ces exemples mettent en évidence le besoin d’un masque de nuages pour estimer l’enneigement des alpes. Bien que le masque de nuages ne soit pas lui-même très utilisé en prévision opérationnelle, il est la base de beaucoup d’autres produits.
Les produits concernant la surface, tels que la température de la surface de la mer, la température de la surface du sol, la couverture végétale, le manteau nival, ainsi que les produits de détection des incendies, ne peuvent être calculés que pour les éléments d’image correspondant à une surface qui n’est pas masquée par des nuages.
Vous pouvez voir les avantages de l’application d’un masque de nuages, sur ce produit qui montre les températures du sol sur des zones dégagées de la surface, au cours d’une journée.
Réciproquement, les produits « Nuages » ne peut être calculés que pour les éléments d’image déterminés comme nuageux. Sur cet exemple, un masque de nuages a déterminé les éléments nuageux de l’image, et le traitement subséquent a fourni un produit « auteur du sommet des nuages ».
Certains masques de nuages, tels que le produit de Météosat, sont tirés d’images classiques prises dans le visible et dans l’infrarouge, en utilisant des techniques dites de « seuillage », qui permettent de déterminer si des éléments de l’image sont nuageux ou dégagés.
Cette technique est similaire à celle utilisée par les météorologues lorsqu’ils inspectent visuellement des images prise dans un seul canal, afin de déterminer la couverture nuageuse. Ils recherchent les éléments (ou groupes d’éléments de l’image) relativement froids sur les images prises dans l’infrarouge, et les éléments brillants sur les images prises dans visible.
De même, la technique de seuillage vise à détecter les éléments qui sont plus froids que prévu par ciel clair, sur des images prises dans l’infrarouge, puis à détecter les éléments qui sont plus brillants que prévu dans une région donnée et par ciel clair, sur des images prises dans le visible.
Le choix effectif du seuil (valeur limite correspondant à la présence de nuages sur une zone, la référence étant la même zone dégagée) est fondé sur de longues années d’expérience, sur des essais et sur des comparaisons de données d’images. Généralement, les techniques de seuillage mettent en œuvre des algorithmes très finement ajustés, pour lesquels un ensemble déterminé de seuils n’est applicable qu’à un instrument particulier, à une région particulière ou à un ensemble particulier de conditions.
Sur cette image rapprochée prise dans l’infrarouge, on observe une température de brillance dans l’infrarouge par ciel clair de 300° Kelvin, ainsi qu’une température au sommet de nuages de 213° Kelvin – soit une différence de 87°. Comme cette différence est supérieure au seuil (par exemple, 5°), le premier élément d’image indiqué est considéré comme appartenant à un nuage.
A propos de la température de brillance :
Les satellites observent l’énergie émise par le système Terre-atmosphère et la traduisent en données numériques. Ces données sont généralement utilisées pour produire des images – telles que celles prises dans l’infrarouge ou dans le visible – qui sont utilisées pour des analyses qualitatives. Pour élaborer des produits quantitatifs ou pour comparer des observations satellitaires à d’autres observations et à des sorties de modèles, etc., il faut mettre en œuvre un processus d’étalonnage qui convertit les données numériques en une quantité physique, telle qu’une luminance énergétique ou une température de brillance.
Sur cet exemple d’image dans le visible, la réflectance par ciel clair a été estimée à 24 %, celle au sommet des nuages à 83 %. Compte tenu de cette grande différence, la technique de seuillage a déterminé que la réflectance de 83 % était celle d’un nuage et a marqué les éléments correspondants comme nuageux.
Les températures de brillance par ciel clair sont produites par un modèle de transfert radiatif, qui simule les températures que le satellite observerait dans des conditions dégagées. La technique de seuillage automatisé compare les mesures satellitaires aux valeurs données par ce modèle – si elles sont beaucoup plus froides que prévu, la zone est nuageuse.
À noter que la technique de seuillage dans l’infrarouge utilise un canal-fenêtre tel que le canal à 10,8 micromètres de Météosat. Une fenêtre est une région du spectre où l’absorption par les gaz atmosphériques est minimale – ce qui signifie que les observations de la surface dégagée et celles de nuages de diverses altitudes ne sont pas affectées de façon notable par des gaz atmosphériques tels que la vapeur d’eau.
Les modèles de transfert radiatif jouent un rôle important dans beaucoup de méthodes d’extraction de produits, car ils servent à simuler les processus de transfert radiatif de l’atmosphère à une longueur d’onde donnée ou dans une région donnée du spectre, pour un ensemble donné de conditions de la surface et de conditions atmosphériques. Ils permettent ainsi de calculer la température de brillance prévue par ciel clair.
températures de brillance mesurées dans l’infrarouge, il faut disposer d’une estimation de la température de la surface aussi réaliste que possible. Pour le processus d’élaboration du masque de nuages de Météosat, cette estimation est tirée des sorties d’un modèle numérique.
La « température de peau » de la surface des terres émergées décrit d’amples cycles diurnes. Souvent, les modèles de prévision numérique ne la simulent pas avec une précision suffisante. Cette imprécision peut entraîner une importante discordance entre les températures de brillance observées et celles des modèles – ce qui peut faire manquer une détection de nuage (si la température de brillance modélisée est trop froide) ou produire une fausse détection de nuage (si la température de brillance modélisée est trop chaude).
Les températures de la surface de la mer étant beaucoup moins variables, nous pouvons prévoir de meilleures performances des techniques de seuillage dans l’infrarouge, au-dessus des eaux libres.
Les animations montrent des températures de brillance dans l’infrarouge à 0,8 micromètre au-dessus de zones spécifiques (dégagées). Vous constatez l’ampleur du cycle diurne au-dessus des terres, mais pas au-dessus de la mer. D’autres exemples figurent aux pages qui suivent.
Voici une image prise dans l’infrarouge, au-dessus d’une partie de l’Atlantique Sud.
Le masque de nuages semble très bien reproduire la configuration des nuages. Il a été créé en appliquant un seuil de température soigneusement choisi, de 2° K.
Ce graphique superposé montre les températures de brillance dans l’infrarouge, simulées dans ce cas, qui sont utilisées pour le seuillage. Certaines parties de l’image sont beaucoup plus froides (plus brillantes) du fait de la présence de nuages.
Au-dessus des terres, le principe de la détection des nuages dans l’infrarouge est très similaire à celui mis en œuvre au-dessus de la mer. Seule la valeur du seuil doit être ajustée, puisque les températures de peau de la surface du sol varient beaucoup plus dans l’espace et dans le temps, et peuvent ne pas être décrites ou prévues avec précision par les modèles de prévision numérique. Il résulte de cette complexité supplémentaire, que les seuils peuvent être fixés à un niveau plus élevé, au-dessus des terres, qu’au-dessus des océans – ce qui peut faire manquer la détection de certains éléments de la couverture nuageuse.
Sur cette image prise au-dessus de l’Afrique centrale, vers midi, l’air tropical très humide, du sud, présente un contraste avec la région saharienne plus sèche, de la partie nord. Visuellement, il est très difficile de distinguer les nuages bas et les cirrus minces, du sol dégagé environnant, à cause de la sensibilité du canal dans l’infrarouge à la forte humidité de basse couche.
Cette humidité de basse couche absorbe une partie du rayonnement de la surface à 10,8 micromètres et réémet un rayonnement à température plus basse, donnant à la surface une apparence plus froide que celle qui pourrait être prévue. Des représentations précises des masses d’air humide, établies par les modèles de prévision, sont d’une très grande valeur dans ce type de situation. Elles permettent de fournir au modèle de transfert radiatif les conditions atmosphériques nécessaires pour une simulation exacte des températures de brillance que le satellite observerait.
Nous avons vu que la détection des nuages dans l’infrarouge est très simple – tant que leurs éléments paraissent plus froids que la température superficielle d’une zone dégagée du sol ou de la mer.
L’ajout de données prises dans le visible, permet de reconnaître les nuages, en tant qu’éléments plus brillants que ceux qui apparaîtraient sur une image sans nuage. On dispose ainsi d’une technique complétant celle utilisant des données prises l’infrarouge, dans les zones où elle s’applique mal.
Pour distinguer les nuages par rapport au sol, sur les images prises dans le visible, la difficulté est le chiffrer correctement la luminance d’une zone dégagée. La brillance ou réflectance effective d’une surface dépend de son type et de l’illumination solaire – laquelle change en fonction de l’heure et de la saison.
La réflectance prévue est facile à établir pour la surface de l’eau, où elle est généralement très faible (sauf en situation de réflexion spéculaire des rayons du soleil) et facile à prévoir pour toute géométrie d’observation soleil-satellite.
Au-dessus des terres, la situation est plus complexe à cause des variations de la réflectance, notamment du fait de la réflexion spéculaire des rayons du soleil sur des rivières et des lacs, et sur les surfaces de sols – tels que le sable de désert, le sel et certains types de roches – qui peuvent paraître presque aussi brillantes que la couverture nuageuse.
En utilisant les données d’arrière-plan fournies par des ensembles de données climatologiques, tels que les cartes de types de surface du sol, il est possible de compenser ces écarts. Des réflectances moyennes dans le visible peuvent être affectées au sol, en fonction du type de surface.
Une autre possibilité pour produire un arrière-plan dégagé dans le visible, consiste à partir de données satellitaires. Un filtrage soigné des données collectées au-dessus d’une zone spécifique pendant une certaine période de temps, permet de produire une image sans nuage dans le visible, qui peut renseigner sur la surface d’arrière-plan.
Cette image montre la réflectance de surface dans le canal 0,8 micromètre dans le visible de Météosat, à 12 heures TUC, comme valeur filtrée au cours du mois de mai 2006. Chaque point élémentaire de l’image représente une moyenne de toutes les observations sans nuage au cours de la période.
On remarque très nettement des éléments non homogènes dans la partie sud de l’image. Ces configurations, ayant l’aspect de nuages blancs épars, correspondent à des zones très nuageuses pendant tout le mois et surtout recevant normalement une très faible illumination solaire à cette période de l’année.
Avec sa résolution spatiale plus fine, le canal dans le visible de Météosat de seconde génération (MSG) permet aussi d’améliorer la détection des nuages, en particulier des petits nuages cumuliformes.
Vous remarquez que beaucoup plus de nuages sont détectés sur le masque utilisant des données prises dans l’infrarouge et dans le visible (première image), que sur celui fondé uniquement sur des données prises dans l’infrarouge (deuxième image).
Voyons maintenant un exemple pris au-dessus de la mer. Les nuages bas de cette image dans l’infrarouge semblent avoir la même température que la surface de la mer sous-jacente, ce qui indique que la technique de seuillage peut ne pas détecter toute la couverture nuageuse.
Regardez l’image correspondante prise dans le visible : vous remarquez comment les nuages se détachent sur un arrière-plan océanique plus foncé.
Si nous comparons les masques de nuages utilisant des observations dans l’infrarouge et ceux utilisant des observations dans l’infrarouge et dans le visible, nous voyons que l’ajout d’une information prise dans le visible a considérablement amélioré la détection de la couverture nuageuse.
Nous pouvons déduire des deux exemples qui précèdent que l’utilisation d’une information prise dans le visible est d’un plus grand apport au-dessus de la mer, qu’au-dessus des terres. En effet, au-dessus des terres, en période diurne, la surface chaude offre un meilleur contraste avec le sommet des nuages qui est plus froid, ce qui permet de saisir plus d’éléments nuageux sur le masque tiré d’images prises dans l’infrarouge.
En plus de la technique de seuillage, d’autres méthodes peuvent être utilisées pour améliorer la détection des nuages – par exemple, des analyses spatiales. De grandes différences, à petite échelle, dans des zones, dans les réflectances dans le visible ou dans les températures de brillance dans l’infrarouge, peuvent indiquer une couverture de nuages épars.
Une analyse temporelle peut également aider à la détection des nuages à partir de satellites géostationnaires, du fait de la fréquence élevée de leurs observations. Des éléments d’image brillants ou froids relativement stationnaires dans le temps, correspondent plus probablement à des surfaces couvertes de neige qu’à des nuages.
Regardez cette image unique des Alpes. Êtes-vous capable de déterminer si la zone qui se détache en clair correspond à des petits cumulus ou à des champs de neiges stationnaires ?
Par contre, d’après la série chronologique d’images, il est évident qu’il s’agit de champs de neige.
Le produit « Masque de nuages » est fondé sur une combinaison d’observations satellitaires, de simulations de températures de brillance dans l’infrarouge d’une surface dégagée et de la réflectance dans le visible d’un arrière-plan sans nuage.
Cette stratégie donne généralement de bons résultats, mais il faut prendre garde à certains éléments qui peuvent être source d’erreurs. Certains sont spécifiques à l’extraction du produit « masque de nuages », tandis que d’autres ont une incidence sur tous les produits.
A propos de la température de brillance :
Les satellites observent l’énergie émise par le système Terre-atmosphère et la traduisent en données numériques. Ces données sont généralement utilisées pour produire des images – telles que celles prises dans l’infrarouge ou dans le visible – qui sont utilisées pour des analyses qualitatives. Pour élaborer des produits quantitatifs ou pour comparer des observations satellitaires à d’autres observations et à des sorties de modèles, etc., il faut mettre en œuvre un processus d’étalonnage qui convertit les données numériques en une quantité physique, telle qu’une luminance énergétique ou une température de brillance.
Les erreurs entachant les produits peuvent résulter d’imprécisions des données satellitaires, causées, par exemple, par :
Cet autre exemple est entaché d’une erreur de navigation d’environ 12 km. Vous remarquez la fine ligne de couvert nuageux, non réaliste, qui suit la plupart des lignes de côtes.
Cet exemple montre l’océan au large de côte africaine, comme presque complètement couvert de nuages, sur l’image du produit, alors qu’en fait les zones mises en évidence sont affectées par la réflexion spéculaire des rayons du soleil, se produisant l’après-midi.
Les erreurs entachant les produits peuvent également résulter de problèmes au niveau du processus d’extraction et d’insuffisances inhérentes à celui-ci – tels que les imprécisions et incertitudes des analyses météorologiques, des données de prévision et d’autres ensembles de données annexes.
Comme nous l’avons vu, les températures de la surface du sol et de la mer, fournies par des modèles de prévision numérique, sont des données d’entrée cruciales pour l’établissement d’un masque de nuages. Une représentation erronée du cycle diurne a une incidence directe sur la qualité du produit. Cet exemple montre des régions désertiques, juste avant le lever du soleil, lorsque la température superficielle du sol est la plus basse.
Les masques de nuages tirés de données de satellites géostationnaires présentent souvent une configuration de nuages erronée la nuit et aux premières heures du jour, à cause d’un biais chaud de la température de surface fournie par le modèle. Le produit peut être amélioré en utilisant un cycle diurne plus réaliste des températures de la surface du sol, dans les calculs du transfert radiatif.
Une autre source d’erreur est liée aux nuages bas, qui peuvent apparaître plus chauds que la surface sous-jacente – ce qui peut se produire en cas d’inversion de la température de basse couche, la nuit, ainsi qu’en hiver dans des régions de latitude moyenne et élevée.
La technique de seuillage de canaux décrite pour le produit « Masque de nuages » est également utilisée pour la détermination d’autres types de situation.
La détection des feux de forêts actifs utilise une combinaison de températures de brillance observées dans deux régions spectrales : la fenêtre infrarouge située autour de 11 micromètres et la fenêtre infrarouge de courtes longueurs d’onde située autour de 3,8 micromètres, très sensible à la présence de points chauds sur un élément d’image.
La démarche est la suivante : on calcule d’abord la différence entre les deux canaux pour circonscrire les points chauds et les feux ; on met ensuite en évidence les éléments de l’image pour lesquels la valeur de cette différence dépasse un seuil prescrit, correspondant à une probabilité élevée de feu.
La détection des panaches de cendres volcaniques utilise aussi une méthode de seuillage de canaux.
La signature spectrale des cendres volcaniques dans la région de la fenêtre infrarouge de 10 à 12 micromètres est différente de celles des nuages d’eau et des nuages de glace, ce qui permet de détecter rapidement un panache de cendre volcaniques.
Cette technique de seuillage permet de mettre en évidence les différences entre les températures de brillance, normalement observées, de panaches de cendres volcaniques, et celles de nuages d’eau, de nuages de glace et de caractéristiques du sol – et de distinguer les points correspondant aux panaches de cendres.
Cet exemple montre le produit visuel obtenu par soustraction de canaux.
Un certain nombre d’instruments satellitaires modernes résultent de l’évolution des imageurs et sondeurs classiques, en des instruments dits « hyperspectraux », mettant en œuvre des milliers de canaux. Un instrument classique de prise d’images fournit la valeur moyenne la luminance énergétique incidente dans une plage ou bande spectrale assez large, alors qu’un instrument hyperspectral produit des données d’une résolution spectrale beaucoup fine.
Les instruments hyperspectraux les plus importants sont le sondeur AIRS embarqué sur le satellite EOS Aqua, qui échantillonne le spectre infrarouge dans 2 378 canaux, et le sondeur IASI de Métop, qui échantillonne le même spectre dans 8 461 canaux.
Comparez un spectre atmosphérique type mesuré par IASI, avec celui produit par le filtre beaucoup plus large d’un instrument tel que SEVERI (l’imageur amélioré non dégyré dans le visible et l’infrarouge de MSG). Le graphique montre la grande quantité d’informations spectrales moyennées correspondant à une seule mesure de SEVIRI. Comparez l’information très détaillées fournies par les raies rouges à l’information fournie par les larges bandes colorées.
L’établissement de profils de la température de l’atmosphère et de gaz atmosphériques, tels que la vapeur d’eau, représente aujourd’hui l’application opérationnelle la plus courante de la collecte de données hyperspectrales par des satellites météorologiques.
Comparés aux sondeurs classiques, les sondeurs hyperspectraux permettent de mieux résoudre la structure verticale de la température et de l’humidité, en disposant d’un plus grand nombre de canaux d’une résolution spectrale plus fine. Ils peuvent ainsi détecter des données correspondant à un plus grand nombre de couches atmosphériques, d’altitudes discrètes – c’est-à-dire se chevauchant moins.
Nous voyons ici les fonctions de pondération de l’instrument de sondage hyperfréquence AMSU : elles sont relativement larges et se chevauchent. Rappelons qu’une fonction de pondération définit les contributions relatives des couches de l’atmosphère de différentes altitudes, à la luminance énergétique totale émise vers l’espace. Elle détermine donc la couche de l’atmosphère détectée dans un canal spectral donné.
Les milliers de canaux des sondeurs hyperspectraux permettent maintenant de disposer d’une multitude de fonctions de pondération. L’atmosphère est donc sondée sur un plus grand nombre de couches, plus fines – ce qui procure, bien sûr, une meilleure résolution verticale.
Il faut donc appliquer des méthodes de traitement des données encore plus perfectionnées et disposer de modèles de transfert radiatif encore plus détaillés, pour convertir les informations spectrales supplémentaires en produits utiles – par exemple, en des produits concernant les gaz à l’état de traces, les caractéristiques des aérosols, la détection et les caractéristiques des nuages (phase et répartition des tailles des particules), ainsi qu’en des profils de température et d’humidité – de résolution plus fine.
À noter que les informations plus détaillées fournies par les instruments hyperspectraux permettent de disposer de plus d’informations fondées sur des observations directes des satellites. Elles permettent également d’être moins tributaire des données annexes, telles que les approximations tirées de modèles, dont les erreurs contribuent à l’incertitude sur le produit dérivé.
Les produits satellitaires fournissent des descriptions détaillées de diverses caractéristiques de l’atmosphère, des océans et des terres émergées.
Avantages des produits satellitaires :
Produits relativement « simples » :
Produits plus avancés et « de pointe » :
nécessitent des méthodes et des techniques d'extraction plus avancées pour traiter diverses données d'entrée, provenant souvent de sources qui ne sont pas seulement des satellites météorologiques, mais aussi des modèles de prévision numérique, des modèles physiques tels que des modèles de transfert radiatif, des observations locales, des ensembles de données climatologiques, etc.
l'exploitation de ces entrées nécessite des méthodes et des moyens d'extraction plus évolués - tels que les techniques de seuillage, les arbres de décision, les algorithmes statistiques et les modèles physiques.
Produit « masque de nuages » de Météosat :
Technique de seuillage :
Modèles de transfert radiatif :
Sources d'erreurs entachant le produit :
imprécisions des données satellitaires, résultant :
d'erreurs d'étalonnage, ayant une incidence sur la précision des températures de brillance calculées ;
de problèmes de navigation dans l'image, conduisant à une détermination incorrecte de la position géographique de points de l'image ;
de la réflexion spéculaire des rayons du soleil dans la plage spectrale, faisant apparaître la surface de la mer plus brillante que prévue, ce qui conduit à la classer comme couverture nuageuse ;
problèmes au niveau du processus d'extraction :
problèmes au niveau du processus d'extraction et insuffisances inhérentes à celui-ci - tels que des imprécisions et incertitudes afférentes aux analyses météorologiques, aux données de prévision et à d'autres ensembles de données annexes.
Instruments hyperspectraux :
Processus général d'extraction de produits météorologiques :
Processus de production d'un masque de nuages
Un questionnaire et un sondage de satisfaction sont accessibles en ligne pour ce module. Cliquez sur « Questionnaire » ou sur « Sondage ».
Promoteur du projet
Organisation européenne pour l’exploitation de satellites
météorologiques (EUMETSAT)
Parrainage de COMET
Administration océanique et atmosphérique nationale
des É.-U. (NOAA)
Agence météorologique de l’aviation militaire américaine
(AFWA)
Bureau australien de météorologie (BoM)
Commandement naval de la météorologie et de l’océanographie
(NMOC)
Fondation nationale américaine pour l’éducation environnementale
(NEEF)
Service nationale des satellites, données et informations environnementaux
de la NOAA (NESDIS)
Service météorologique du Canada (MSC)
Système national de satellites environnementaux opérationnels
en orbite polaire (NPOESS)
Conseiller scientifique principal
Dr Marianne König — EUMETSAT
Conseillers scientifiques associés
Patrick Dills — UCAR/COMET
Dr Volker Gärtner — EUMETSAT
Dr Jochen Kerkmann — EUMETSAT
Dr Hans-Joachim Lutz — EUMETSAT
Philip Watts — EUMETSAT
Dr Dieter Klaes — EUMETSAT
Chef de projet
Marianne Weingroff — UCAR/COMET
Conception pédagogique
Marianne Weingroff — UCAR/COMET
Infographie et conception des interfaces
Steve Deyo — UCAR/COMET
Brannan McGill — UCAR/COMET
Marianne Weingroff — UCAR/COMET
Création multimédia
Carl Whitehurst — UCAR/COMET
Édition et production audiographique
Seth Lamos — UCAR/COMET
Traduction en français
Victor Chaptal de Chanteloup ‑ tst-imago mundi
Christiane Biard (relecture) – EUMETSAT
Narratrice
Dr Marianne König — EUMETSAT
Assurance qualité
Wendy Schreiber-Abshire – UCAR/COMET
COMET Staff (January 2009)
Director
Deputy Director
Administration
Hardware/Software Support and Programming
Instructional Designers
Media Production Group
Meteorologists/Scientists
Science Writer
Spanish Translations
NOAA/National Weather Service - Forecast Decision Training Branch
Meteorological Service of Canada Visiting Meteorologists